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Édition du mercredi 31 janvier 2024
Parents, enfants, liens familiaux, questions et solutions : chaque mercredi, retrouvez nos articles et conseils autour de la parentalité.

Faut-il faire en sorte que nos enfants s’entendent bien ?

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Un jour, une babysitter de mes enfants m’avait fait cette remarque étonnante, tandis que je lui parlais de mon espoir qu’une fois adultes ils s’entendent bien : « Mais pourquoi cela t’importe-t-il ? Rien n’oblige des frères et sœurs à s’entendre. Les parents ne devraient pas s’en soucier. Leurs enfants seront un jour des adultes autonomes, qui choisiront leurs relations librement – qu’ils aiment ou non fréquenter leurs frères et sœurs ne regarde qu’eux, et n’a aucune importance en vérité. »

J’en étais restée comme deux ronds de flan. Voilà une idée qui ne m’avait jamais traversé l’esprit. Vous savez, c’est un peu comme quand vous faites toujours le même trajet, machinalement, pour aller d’un endroit à l’autre, et qu’on vous fait soudain découvrir qu’il en existe un autre, auquel vous n’aviez jamais pensé.

Pourquoi me semble-t-il indispensable que mes enfants s’entendent ? Je ne parle pas de leur petite enfance – les chamailleries des fratries ne m’ont jamais trop inquiétée. Non, je parle du jour où ils seront adultes. En quoi cela me concerne-t-il ? Après tout, mes enfants ne m’appartiennent pas. Une fois autonomes, ils décideront seuls de leurs fréquentations. Mais l’idée qu’ils puissent ne pas constituer une fratrie soudée me chagrine terriblement. Alors pourquoi ?

D’abord, je pense que je ne voudrais pas qu’ils souffrent. Or les fratries qui se déchirent souffrent ostensiblement. J’en veux pour preuve mon obsession du moment, la série suédoise The Restaurant, sur Arte.tv. Une saga familiale sur plus de vingt ans, de 1945 à 1968, autour d’une fratrie qui hérite d’un restaurant. Deux frères et une sœur qui n’ont pas la même vision des choses, pas les mêmes opinions ni la même éthique. Une énième démonstration qu’être coincé dans une succession commune n’arrange pas les affaires des fratries bancales.

Le cas des enfants d’Alain Delon en est l’exemple le plus récent. Comme l’a écrit ma collègue Magali Cartigny dans sa chronique « Ecran Total », on dirait une version française de la série américaine Succession, dans laquelle les enfants du patriarche s’entre-dévorent pour gagner son amour. Il faut dire que le père Delon a placé la barre assez haut en matière de névroses filiales : une fille préférée, qu’il cajole, adule, appelle « l’amour de [s]a vie », comme le raconte le long récit glaçant de Libération ; un aîné maltraité, humilié, frappé, qui se coule jusqu’à l’obsession dans les pas de son père ; un cadet largué, négligé. On peut conclure de cette tragédie grecque dont nous sommes les spectateurs que, même si les parents ne peuvent – et ne doivent – pas tout, ils peuvent au moins faire en sorte d’éviter que leur progéniture arrive à l’âge adulte avec des carences affectives telles qu’elles les empêcheront de vivre correctement. En plus, avec un peu de chance, ça leur épargnera une fin de vie cataclysmique.

Ensuite, il y a je crois une autre raison, plus égoïste, qui explique mon souhait de voir mes enfants s’entendre pour toujours. Quelque chose de l’ordre du repos de l’âme. Si je sais que la famille que j’ai fondée s’épanouit harmonieusement, alors je pourrai partir tranquille. Job done. C’est vraiment un truc de darons : mes parents ont investi beaucoup de temps, d’argent et d’amour dans une maison dont ils ont hérité, dans la région de mon père. Les frères et sœurs de mon père y sont venus pour Noël, les étés, pendant des années, créant des liens durables entre cousins, oncles, nièces, neveux, tantes et grands-parents. Adolescente, j’ai évidemment méprisé ce familialisme conservateur, préférant traîner mes guêtres dans les concerts de rock.

Puis j’ai eu des enfants, et aujourd’hui les imaginer organiser d’interminables dîners de famille au son des grillons (et des frelons asiatiques), tandis que leurs enfants profiteront de ces heures élastiques, me réchauffe le cœur. Cela me donne l’impression qu’ils ne seront pas seuls au monde, comme une consolation devant la perspective de ma disparition. Et c’est en écrivant cela que je comprends mon erreur : je les imagine adultes comme ils sont aujourd’hui, à 8, 6 et 4 ans. A leur âge, l’horizon est à la fois immense (celui d’une vie) et tout petit : la vie, c’est la famille. C’est papa qui cuisine du McDo maison vendredi soir, maman qui est de mauvaise humeur, mon frère qui fait une crise géante, ma sœur qui parle très fort et sans interruption, ma sœur qui prépare des sucettes en chocolat. Ils sont les gens les plus importants du monde.

Mais cette vision de la vie, c’est un peu comme les poux qu’on a essayé d’observer au microscope ce week-end : le zoom est trop gros. Progressivement, ils vont voir apparaître le paysage autour. Une fois adultes, ils se choisiront des proches, ils se trouveront une famille d’élection, et l’incroyable proximité de notre foyer appartiendra au passé. Même sans leur frère, même sans leur sœur, ils ne seront pas seuls au monde. Ils partageront leurs poux avec d’autres.

C’est pourquoi la seule chose qui compte, finalement, c’est l’ici et maintenant. Observer l’extraordinaire force du lien entre eux, dans les cabanes bâties ensemble comme dans les engueulades. Leur connaissance intime les uns des autres, qui nous échappe déjà à nous, parents. Savourer autant les « Je te déteste ! » du petit déj que les « Je t’adore ! » du dîner. Quand il avait 2 ans, mon fils s’est enfoncé une perle dans le nez. Devant le léger vent de panique parentale qui a soufflé, ma fille cadette, alors âgée de 4 ans, est d’abord restée impassible. Puis d’un coup, cette enfant qui passe une bonne partie de sa vie à dire qu’elle voudrait qu’on mette son frère à la poubelle s’est effondrée en sanglots et s’est écriée : « Mais je veux pas qu’il moure ! »

J’ai tiré deux enseignements de cet incident :

1. Tant que ma fille continuera à clamer qu’elle déteste son frère, tout ira bien.

2. Les urgences ont un ustensile spécial à perles dans le nez.

Faites-moi part de vos réflexions, de vos questions, à parents@lemonde.fr. Je réponds toujours. A la semaine prochaine !



BLOC-NOTES


Trois réflexions sur la parentalité et ses limites :

1. J’ai lu cet article réjouissant du New York Times sur la « midlife » (« milieu de vie », en français). On parle ici de 36 à 64 ans, mais la journaliste Jancee Dunn raconte qu’elle aime sa cinquantaine, et pourquoi. Il y est question d’organiser une fête du nid vide au départ des enfants, mais aussi du rôle essentiel des amis à cette période de la vie.

2. A ce propos, j’ai reçu le livre de ma collègue Alice Raybaud, Nos puissantes amitiés (La Découverte, 320 pages, 20 euros), dont vous pouvez lire les bonnes feuilles ici. Parce qu’il n’y a pas qu’une façon de faire famille, elle explore les liens amicaux.

3. Il y a quelque temps, une mère d’ados me parlait du temps libre qu’elle aurait lorsque ses enfants seraient autonomes, et elle a employé cette expression : « D’ici quelques années, quand je ne serai plus mère… » Waouh, me suis-je dit, j’ai encore du chemin à faire.



ET CHEZ VOUS ?

« Je surjoue l’émerveillement quand mon fils joue de la guitare »

Elise Chiapale, Marseille, mère de deux enfants de 9 et3 ans : « Quand j’étais petite, je rêvais de faire du piano. Mais ça coûtait trop cher. Alors j’ai commencé à 15 ans – quand mes parents en ont eu les moyens. Mais je n’ai pas fait assez de solfège. Et après trois ans, il me fallait tellement de temps pour déchiffrer un morceau que j’ai tout arrêté.

Mon aîné a commencé la guitare au début de l’année. J’avoue avoir un peu insisté – sans le forcer, je précise. Comment l’accompagner et le motiver sans le forcer ? En sachant d’expérience que, si on ne travaille pas un minimum, on ne s’éclate jamais sur un instrument. Alors j’ai tenté le “t’es obligé de faire cinq minutes par jour”. Échec. D’autant que, les premiers mois, il faut reconnaître que ça ne ressemble à rien.

La motivation est venue pour Noël. Les quatre cousins en âge de prendre des cours de musique jouant tous d’un instrument, la mamie a suggéré un petit concert à l’apéro. Le prof de guitare a donc appris à mon fils Au clair de la lune. Ça a été la carotte. Je lui ai dit que je resterais avec lui pendant qu’il réviserait son morceau. Et voyant qu’en travaillant un peu tous les jours, il arrivait à sortir un morceau qui ressemblait à quelque chose, ça l’a motivé. Et je m’émerveillais quand il me le jouait (je surjouais certes un peu).

Bref, tout ça pour dire que, ce qui fonctionne avec le mien, c’est plutôt de montrer de l’intérêt pour ce qu’il fait, l’écouter, le féliciter, l’encourager, lui dire que je suis impressionnée par les progrès qu’il fait, etc. Hier, il s’est lancé tout seul dans L’Hymne à la joie [tiré de la 9Symphonie de Beethoven]. Il avait des étoiles dans les yeux en me le jouant – et parce que je l’ai reconnu depuis la salle de bains !

Je trouve ça chouette de toucher un instrument une fois dans sa vie, alors je vais continuer à l’accompagner. Des bons moments de partage aussi, où je ne lui dis pas de faire ses devoirs, de ranger sa chambre ou “non, je n’ai pas le temps”. Je me pose avec lui.

J’espère juste qu’il prendra du plaisir, toute sa vie si possible, à sortir sa guitare, pour lui tout seul dans sa chambre, devant les copains. Peu importe. »

Ecrivez-nous : parents@lemonde.fr




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