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Édition du mercredi 17 janvier 2024
Parents, enfants, liens familiaux, questions et solutions : chaque mercredi, retrouvez nos articles et conseils autour de la parentalité.

Comment parler du débat public-privé avec vos amis sans en venir aux mains

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Vendredi midi, j’ai déjeuné avec une amie autour d’un plat de pâtes. Nous en étions au café lorsqu’elle m’a dit qu’elle ne supportait plus de voir ses amis faire le choix du privé pour leurs enfants. Pas n’importe quel privé, a-t-elle précisé. Celui d’un certain microcosme, le privé de l’élite, celui dont les noms remplissent régulièrement les pages des journaux : Stanislas, l’Ecole alsacienne, des Montessori bilingues… Ce choix lui semble tellement éloigné des valeurs que ces amis revendiquent par ailleurs qu’il l’énerve profondément. « Je n’arrive plus à les voir. Cela m’insupporte tellement que je préfère ne plus leur parler. » Ce n’est pas par haine du privé, m’a-t-elle dit ensuite, en ajoutant qu’elle n’hésiterait pas à y mettre sa fille si un jour cela devenait nécessaire. Sa colère naît plutôt du fait que ces amis-là choisissent délibérément l’entre-soi. Les cafés de parents où se côtoient dirigeants du CAC 40, responsables politiques, journalistes… Des enfants qui grandiront entourés de noms de famille célèbres, qui profiteront de la cour de récré pour « réseauter ». Et, finalement, une participation active au délitement de notre système scolaire.

Je suis rentrée chez moi et, le soir, en préparant la raclette avec mon compagnon, j’ai découvert les propos de la nouvelle ministre de l’éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, sur la scolarisation de ses trois fils à l’école Stanislas. Depuis, à peu près toute la France a réagi à ses mots sur les « paquets d’heures non remplacées » dans le public qui les auraient frustrés, son mari et elle – une version démentie par l’enquête de Libération, qui a retrouvé l’enseignante de l’aîné des enfants. Enseignante qui nie avoir été absente au cours des six mois de présence du garçon en maternelle, et évoque plutôt un désaccord avec les parents à propos d’un saut de classe. Je ne vais pas ajouter ma petite opinion à tout ce ramdam. En revanche, je vous propose ci-dessous une sélection subjective de lectures, d’écoutes et de visionnages pour tenter de poser un peu le débat – et vous permettre de discuter avec vos amis parents du choix public-privé sans en venir aux mains.

1. Autopromo oblige, revoici le billet que j’ai consacré au sujet en octobre 2023 : « Pourquoi le débat public-privé crispe-t-il autant les parents ? » Je dois ici faire un mea culpa. Je terminais en disant que j’allais désormais me montrer compréhensive et sereine lorsque des parents expliqueraient pourquoi ils avaient fait le choix du privé. Au vu de ma réaction devant les explications d’Amélie Oudéa-Castéra, clairement, j’ai échoué. Je n’arrive pas à décolérer. Je me sens lésée chaque fois que je revois ce bref extrait de la ministre. Comme l’écrit ma collègue Violaine Morin dans cet article, Mme Oudéa-Castéra se place en usagère d’un système dont elle a la charge. Non seulement elle évoque les « centaines de milliers de parents » qui, comme elle, partent dans le privé, mais elle ne dit pas un mot – pas un mot ! – sur les parents qui restent dans le public, réactivant ainsi un des débats les plus épidermiques du pays en se positionnant sans même s’en apercevoir dans un « camp ».

2. Les deux camps prennent justement la parole dans « Le Choix du privé », un épisode du podcast Les Pieds sur terre, sur France Culture, diffusé lundi 8 janvier. Charlotte et Raphaël sont amis, ils habitent dans des communes du sud de la France. Pour le collège de leurs enfants, elle a fait le choix du public, lui du privé. Ils parlent à tour de rôle, sans posture, avec une bonne dose d’introspection. Charlotte, salariée dans une PME : « Je dois admettre qu’on s’est retrouvés, mon compagnon et moi, dans une position de jugement, clairement. On a jugé nos amis. » Raphaël, intermittent du spectacle : « Charlotte a le droit de me dire que mon choix est mauvais et je ne lui en veux absolument pas. Parce que c’est ce que je pense de moi-même. Effectivement, je fragilise peut-être le système social français, mais je ne fragilise pas mon fils. » Lorsqu’il parle du privé, Raphaël emploie des mots qui résonnent de façon frappante avec ceux de la ministre : « Mon fils est épanoui, il est bien, il est heureux, il est content d’être dans cette école ; il se fait des copains qui ne sont pas juste des… euh… des Charles-Henri. Voilà, il côtoie une belle mixité, et franchement, je suis content. »

3. A propos de la composition sociale du public et du privé en France, on peut lire cet entretien avec Jérôme Fourquet paru dans L’Opinion en mai 2023 : « Même les parents issus du public mettent aujourd’hui leurs enfants dans le privé ». Le directeur du département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’IFOP y affirme que la ligne de fracture n’est plus idéologique ou religieuse mais socioculturelle : « Elle distingue les familles qui ont les moyens de mettre leurs enfants dans le privé, qui font de leur éducation leur priorité, et les autres. » Le matin du mardi 16 janvier, sur France Culture, l’économiste Julien Grenet ajoutait que « le privé, depuis une quinzaine d’années, voit sa composition sociale devenir de plus en plus favorisée. La part des élèves issus de catégories sociales dites très favorisées est passée de 30 % au début des années 2000 à 41 %, quand, dans le même temps, la part des élèves dits défavorisés est passée de 24 % à 16 % ».

4. Sur la question spécifique des établissements parisiens d’élite, vous pouvez lire l’enquête de mes collègues des Décodeurs et de la rubrique éducation, « De l’Ecole alsacienne à Saint-Jean-de-Passy, ces lycées parisiens privés très bien dotés par rapport au public ». Chiffres à l’appui, ils démontrent que les moyens d’enseignement par élève, attribués par le rectorat, sont supérieurs dans les lycées généraux privés de la capitale à ceux de leurs homologues du public, à effectif et composition sociale équivalents. Ou encore cette autre enquête publiée en août 2023, sur l’établissement où sont scolarisés les enfants d’Amélie Oudéa-Castéra, qui fait l’objet d’une enquête administrative : « Les démons du collège Stanislas, citadelle de l’enseignement privé catholique ».

5. Enfin, si vous avez réussi à ne pas vous entretuer autour de l’apéro, vous pouvez toujours regarder ensemble La Lutte des classes, film de Michel Leclerc sorti en 2019, dans lequel Leïla Bekhti et Edouard Baer forment un couple qui se déchire sur la scolarisation de leur fils en banlieue parisienne. Pas toujours très fin, mais un beau miroir tendu à nos contradictions de parents.

Faites-moi part de vos réflexions, de vos questions, à parents@lemonde.fr. Je réponds toujours. A la semaine prochaine !





ET CHEZ VOUS ?

« Parfois, j’ai l’impression d’avoir une fille et des petits-enfants virtuels »

Nonna, mère de deux filles de 44 et 40 ans et grand-mère de quatre petits-enfants de 4 à 11 ans : « Les enfants sont partis travailler ailleurs, loin, les petits-enfants sont arrivés, et nous voilà devenus mamie et papi avec des retrouvailles une fois par an (au mieux). Il faut apprendre à gérer et à partager ces brèves semaines avec tout le monde, les cousins, cousines, belle-famille et amis. Un été, sur les trois semaines de leur séjour en France, j’ai pu être avec ma fille trois jours ! Vite vite, tout le monde repart et c’est reparti pour un an…

Parfois, j’ai l’impression d’avoir une fille et des petits-enfants virtuels. Heureusement, il y a FaceTime et WhatsApp. Mais à la longue ce n’est pas pareil. Le temps passe et le fil du lien s’amincit et s’appauvrit.

Et puis au loin, la fatigue de l’âge lance ses appels. Celle qui conduit chez le spécialiste et nous rappelle que nous devons nous préparer aux vieux jours. Celle qui nous rappelle que nous devons nous adapter à ne plus pouvoir « faire seul ». On nous promet une espérance de vie plus longue si on change nos habitudes alimentaires et physiques mais surtout sociales. A quoi bon ? Rien n’est plus triste que de vivre entre quatre murs, seule !

Alors je pose la question : comment fait-on pour maintenir un lien familial fait d’amour et de bienveillance quand on vit loin de ses enfants ? Il me semble qu’il y a une contradiction entre ce qui se dit et la réalité.

Et vous, les autres grands-parents, comment faites-vous ? Connaissez-vous ce phénomène ? Ai-je raté quelque chose ? J’aimerais bien avoir la solution mais j’ai bien peur qu’il n’y en ait pas. »

Ecrivez-nous : parents@lemonde.fr




SILENCE, ON LIT

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