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Édition du mercredi 6 décembre 2023
Parents, enfants, liens familiaux, questions et solutions : chaque mercredi, retrouvez nos articles et conseils autour de la parentalité.

Tout ce que vous ne mettrez pas sous le sapin à Noël

Alors, ça y est ? Les listes de Noël sont recopiées, raturées, peaufinées ? Les cadeaux sont en voie d’acheminement chez vous ? Vos ados vous tannent chaque matin sur les vertus éducatives de l’iPhone 15 ?

Chez moi, les trois enfants (8, 5 et 4 ans) avaient parachevé leurs listes au Père Noël autour du 15 novembre, si si. Leurs choix ont suscité un certain nombre de questionnements moraux pour mon compagnon et moi. Il y a, dans leurs requêtes, énormément de plastique, de jouets fabriqués à l’autre bout du monde et impossibles à acheter d’occasion. Ma fille cadette, par exemple, veut un Furby, ces peluches qui parlent une langue bizarre. Rien d’original, puisque le jouet de chez Hasbro figure parmi les meilleures ventes de JouéClub depuis plusieurs semaines (aux côtés du « salon de tatouage » de Clementoni, qui me fait me sentir vraiment old school). Bien sûr, ma fille n’a pas choisi n’importe lequel des Furby : elle veut un modèle arc-en-ciel disponible dans un seul magasin en France – et donc pas de seconde main. C’est une abomination écologique et sonore. Mais c’est son vœu le plus cher et étrangement, nous sommes un peu contaminés par la mignonnerie de la bestiole. Bref, on n’a pas hésité très longtemps. Je note qu’au fil des années, on a tendance à piétiner de plus en plus vite nos principes.

Voilà pourquoi, la semaine dernière, je vous ai écrit pour connaître vos veto, les cadeaux que vous vous refusiez à offrir aux enfants. Vous êtes nombreux à m’avoir répondu, merci beaucoup. Je vous propose donc une sorte du hit-parade du pire, selon vous. Votre « antiliste » de Noël. Désolée pour ceux que je n’ai pas la place de citer mais vous savez ce que c’est : Noël fait toujours des déçus.

1. Les fausses armes. Depuis Nanterre (Hauts-de-Seine), Ludivine Pons écrit : « J’ai une limite très nette pour mon fils de 4 ans : les armes, pistolets et autres jouets mimant le fait de donner la mort. Pour ne mettre personne dans l’embarras, j’ai prévenu tous mes proches. Certains copains parents m’ont fait savoir que je n’y couperai pas très prochainement car “les garçons adorent jouer avec des armes”. Peut-être qu’il en aura en effet très envie, mais je me sens capable et légitime de le frustrer à ce sujet. Jouer à tuer ne peut pas être anodin. C’est sérieux la vie des autres. Et “s’amuser à l’ôter” alors qu’on se bat pour maintenir une paix fragile et qu’on souffre pour chaque tir mortel… où est la logique ? Quel message veut-on véhiculer ? Ça ne peut pas être qu’un jeu, pas dans mon monde. »

Je dois avouer que ce message, comme les nombreux autres reçus sur les armes factices, m’a cueillie par surprise. Quand mon fils de 4 ans a réclamé « un robot qui tire des boulets de canon », j’ai cherché sans ciller un robot muni d’un gun le plus gros possible. Pire, nous avons acheté cet été un pistolet blaster Nerf (ces gros engins qui tirent très fort des projectiles en mousse) à notre fille de 5 ans sur une foire aux puces – 2 euros, une affaire ! A la maison, il y a un arc, une arbalète, d’innombrables pistolets à eau. Et je possède une relique de mon enfance, un pistolet en plastique kaki, dont la simple vue charrie pour moi un lot de souvenirs émus. Je l’ai adoré, comme on peut chérir des objets dans l’enfance avec une telle puissance que le souvenir sensible de ce qu’on y projetait demeure jusqu’à l’âge adulte.

Bref, je suis visiblement un peu à côté de la plaque. Si je veux me trouver des excuses, et me faire l’avocat du diable, je dirais que magré ce pistolet kaki, je n’ai pas aujourd’hui d’attrait particulier pour la violence ni pour les armes à feu. C’est peut-être pour cela que j’ai du mal à être choquée par ces jouets. Sans doute aussi parce que je me dis qu’ils permettent d’exprimer une pulsion, rien de plus, et que les enfants sauront tôt faire la différence entre le domaine du jeu et celui du réel. Nous sommes tous des êtres violents, et nous ôter le moyen d’exprimer cette violence ne revient pas à nous ôter cette violence (ce qui ne serait d’ailleurs pas bien possible). Cependant, je comprends évidemment que dans un contexte d’actualité comme le nôtre, on n’ait pas envie de voir nos enfants jouer « à la guerre ». Parfois, dans leur tête, la frontière n’est pas si évidente que cela, en témoigne ce jour où j’ai complètement déraillé en racontant à mes enfants que Kurt Cobain s’était suicidé avec un pistolet. « Avec un pistolet à eau ? », avait alors demandé de sa petite voix mon fils…

2. Les jouets genrés. Voici ce que m’écrit Julie van Geenberghe, mère de Billie, 3 ans, depuis Caluire-et-Cuire (Rhône) : « Il y a une chose qui me hérisse particulièrement le poil lorsque l’on offre un cadeau à ma fille. Ce sont les cadeaux de “maman”, les cadeaux qui lui donnent une place de mère. Je trouve que conditionner une enfant de 3 ans à devenir mère est une aberration, on ne fait pas ça avec les petits garçons, on ne les conditionne pas à devenir des pères, on ne joue jamais au “papa”. Alors pourquoi les petites filles devraient se projeter dans la maternité à 3 ans ? Je précise que je comprends bien le besoin et l’envie de mimétisme et je ne l’empêcherai jamais de jouer à la maman si elle le souhaite. »

Vous êtes nombreux, comme Julie, à tâcher de déjouer les grosses ficelles roses et bleues de l’industrie du jouet. Ainsi de Marie-Laure, à Gap (Hautes-Alpes) : « Mon fils de 3 ans et demi est vite tombé dans les stéréotypes “garçon” : j’ai des super muscles, j’adore les super-héros et les dinosaures… Je ne refuse pas de lui acheter de cadeaux spécifiques, par contre je m’arrange avec ma conscience : le costume de Batman que je vais lui prendre ne sera pas celui avec les abdos en surimpression rembourrés, et le robot qu’il demande ne sera pas un robot de combat mais un robot éducatif qui danse et fait des blagues. » J’adore ces récits qui racontent bien la valse-hésitation entre nos valeurs et notre envie de rendre nos enfants heureux. Ce qui m’amène au prochain message…

3. Les gros trucs neufs en plastique. Marie, à Grenoble (Isère) : « Il y a deux ans, j’avais décidé qu’il y aurait peu de cadeaux pour les enfants (alors âgés de 14, 11 et 6 ans) : ras-le-bol de toutes ces merdouilles inutiles et polluantes, de cette consommation à outrance de Noël. Mais je me suis retrouvée fort dépourvue en voyant la hotte du Père Noël si maigrichonne. J’ai même racheté une petite merdouille en plus pour mon dernier afin de gonfler les effectifs. J’ai trouvé ça triste en ouvrant le matin les cadeaux. Même si mes enfants n’ont rien dit, j’ai quand même vu le petit flottement, et j’ai eu un gros remords de leur imposer cette sobriété. Bref, pas si facile de concilier les grandes idées et la vraie vie. »

Pas facile, non, mais il semblerait que les habitudes changent. Selon une étude de l’IFOP pour Leboncoin, menée entre les 23 et 29 octobre, deux Français sur cinq ont déjà offert un cadeau de seconde main et ont prévu d’en offrir à Noël. Une pratique qui décroît avec l’âge : 62 % des 18-24 ans ont déjà fait ce type de cadeaux, 55 % des 25-49 ans, mais seulement 24 % parmi les 65 ans et plus. Le directeur général de l’IFOP, Jérôme Fourquet, commente : « Ce comportement est en voie de banalisation et jouit d’une acceptabilité sociale », en lien bien sûr avec l’inflation mais aussi avec la lutte contre la surconsommation.

4. Le reste, en vrac. Où il est question de « Tamagotchi qui va biper la nuit s’il n’est pas nourri », de consoles vidéo qui accaparent le cerveau, d’« alien à dégommer avec un flingue vert fluo », de « slime dégoûtant et voué à finir sur les tapis et les pulls », de grands-parents qui offrent trop et mal, d’une « poupée sans corps assez inquiétante » (ayant reçu la photo, je confirme)…

Pour conclure sur une note optimiste, je voudrais citer Paul-Emmanuel, père de trois enfants de 1, 3 et 9 ans à Marly-le-Roi (Yvelines) : « Je constate une grande différence avec notre enfance : nous étions abreuvés de publicités dès que nous allumions la télé, et notre liste de Noël était en conséquence longue comme le bras. En revanche, mes deux aînés n’ont accès qu’à Netflix où il n’y a (pour l’instant) aucune publicité. Résultat, aucune demande particulière pour Noël. » J’ai fait le même constat à la maison, et je m’en réjouis. Noël, c’était pas mieux avant !



BLOC-NOTES


Trois récits de parents indignes qui m’ont fait me sentir mieux cette semaine :

1. Diana et Charles dans The Crown (Netflix). Bon, OK, elle meurt à la fin, et ce n’est pas de sa faute. Mais enfin, traîner ses deux pauvres garçons sur le yacht de son amant, tandis que son ex-mari instrumentalise sa famille pour gagner la bataille des images, ce n’est pas glorieux.

2. Karl Ove Knausgaard dans Un homme amoureux (Denoël, 2014). Que j’aime ce livre ! Je vous en ai parlé il y a quelques semaines, je le relis. Dans le tome 2 de Mon combat, sa géniale et colossale autobiographie, l’auteur norvégien s’agace de la folle parentalité à la suédoise (il vit à Malmö) : « Ce qui auparavant se déroulait dans la sphère privée devenait chose publique. Partout, on pouvait lire des informations sur les contractions, la césarienne, l’allaitement, la layette et les landaus, des conseils sur les vacances avec de jeunes enfants et des livres, écrits par des hommes au foyer ou des mères aigries. »

3. Des parents anonymes dans le New York Times. Eux, ils remportent la palme haut la main : ils ont écrit à la rubrique « Social Q’s » du quotidien pour raconter qu’ils avaient offert à leur adolescente, il y a quelques années, un ours en peluche garni d’une caméra afin de l’espionner, parce qu’elle avait un petit ami en secret. Aujourd’hui, leur fille est majeure, et ils l’ont entendue dire qu’elle leur était très reconnaissante pour leur confiance et la liberté qu’ils lui avaient laissée… alors ils ont des remords. Le journaliste qui répond n’y va pas avec le dos de la petite cuillère.




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