Pour être sûr(e) de recevoir la newsletter, ajoutez newsletters@redaction.lemonde.fr à votre carnet d’adresses. Voir dans le navigateur
Édition du mercredi 17 mai 2023
Parents, enfants, liens familiaux, questions et solutions : chaque mercredi, retrouvez nos articles et conseils autour de la parentalité.

Célébrez les premières règles de votre fille

Vous pouvez vous inscrire à cette newsletter en suivant ce lien.

La vie de parent est une succession de grandes étapes – ou, comme le disent mieux les Anglo-Saxons, de milestones, ces pierres qui bornent les distances sur un chemin. Il y en a une, de pierre, que j’aime particulièrement : les premières règles. On ne se souvient pas toujours du jour où son enfant a perdu sa première dent, ou de celui où il a fait pipi aux toilettes pour la première fois. Mais on se souvient généralement des premières règles de sa fille (du moins, si l’on est au courant).

J’aime ce milestone pour sa charge symbolique, bien sûr, le rite de passage qu’il constitue. Mais surtout pour le moment de partage et de transmission qu’il peut constituer, et parce qu’il porte en lui l’essence de ce que peut être un lien mère-fille. Avant de continuer, je voudrais vous poser une question : est-ce que, chez vous, c’est le père qui a rempli ce rôle ? J’imagine que c’est le cas dans les familles avec deux papas, et peut-être ailleurs encore ? Racontez-moi si c’est le cas, je suis curieuse.

Je n’ai jamais eu d’écho de cette situation, et je vais donc plutôt parler des mères. Il y a peu, une amie m’a raconté avoir « raté » ce moment avec sa fille : « Je n’ai pas du tout réagi comme j’aurais dû. J’ai poussé un “Ho !”, sur le ton de “Quelle catastrophe !”. Ma fille était blême. Peut-être parce que pour moi ça avait été difficile. Quand je les ai eues, mon père avait fondu en larmes ! » J’aime cette anecdote parce qu’elle résume à elle seule toute l’ambivalence que l’on peut ressentir lorsque survient un événement à la fois attendu et bouleversant. Rassurez-vous, sa fille, aujourd’hui adulte, n’a pas été traumatisée : « Elle a toujours bien aimé avoir ses règles. C’est quelque chose qui me fascine, moi qui suis d’une génération où c’était un pensum. Dès que j’ai pu, j’ai mis un stérilet hormonal pour ne plus les avoir. »

Est-ce une question de génération ? Peut-être d’époque, en tout cas. J’ai vu apparaître, dans la foulée des alertes sur les dangers de la pilule de troisième génération, fin 2012, de nouveaux discours. Des amies renonçaient à ce moyen de contraception, pour « avoir des règles naturelles » et « retrouver le lien » avec leur corps. Elles choisissaient de ne pas profiter des droits que leurs mères avaient conquis pour elles, suscitant chez lesdites mères une certaine incompréhension, voire de la colère : comment ces jeunes femmes pouvaient-elles ignorer les limites de ce « retour au naturel », et les reculs qu’il peut engendrer pour elles ?

Ensuite est arrivé #metoo. Si je suis parfois agacée par ce systématisme visant à « briser des tabous » sur des sujets qui deviennent aussitôt des objets marchands (livres, articles, podcasts, coachs…), dans le cas des règles, je trouve l’abondance de ressources très précieuse. Parce que ces ressources peuvent permettre de faciliter le dialogue mère-fille, de recréer des ponts là où il y a parfois une rupture.

A celles qui ne savent pas quand ou comment en parler avec leur fille, je recommande par exemple cet épisode du podcast « Parentalité et adolescence », avec Gaëlle Baldassari, la fondatrice du mouvement Kiffe ton cycle, coach (tiens !) et grande évangéliste des menstruations. Elle rappelle que le plus tôt sera le mieux : l’âge moyen des premières règles en France est de 12,6 ans, mais c’est une moyenne, cela peut arriver bien avant. Elle recommande de l’expliquer aux tout-petits (garçons et filles), afin que cela leur paraisse naturel. De bien évoquer la fonction des règles et le cycle menstruel – avec des mots appropriés en fonction de l’âge, bien sûr. Elle insiste aussi sur la possibilité de s’appuyer sur d’autres personnes : grande sœur, tante, marraine… si l’on n’est pas à l’aise.

A celles qui préfèrent laisser parler d’autres à leur place, je peux aussi recommander des livres : l’ouvrage de la sage-femme Anna Roy, illustré par Mademoiselle Caroline, Tout sur les règles ! (Flammarion Jeunesse, 2021), un guide complet accessible à partir de 6 ans ; C’est beau le rouge, un roman humoristique et très intime de Lucia Zamolo (La Martinière, 2021), raconté du point de vue de la jeune femme elle-même, ou, avec une coloration nettement féministe et militante, Les Règles… quelle aventure !, d’Elise Thiébaut et Mirion Malle (La Ville brûle, 2017).

A celles qui ont envie de ritualiser ce moment avec leur fille, jetez un œil à cet article de Slate qui suggère d’offrir un cadeau ou de faire une petite fête (à titre personnel, le jour venu, j’éviterai soigneusement la period party à l’américaine, avec coulis de fruits rouges sur le gâteau). Cette idée de célébration entre mère et fille me plaît néanmoins. Elle peut revêtir à peu près n’importe quelle forme – un présent, une pâtisserie, voire simplement des mots ou des gestes. C’est ce qui m’émeut tant dans ce moment : le passage des générations. Imaginer cette transmission sur des lignées entières, les mots qui l’accompagnent, différents à chaque époque, les héritages tacites que l’on livre aussi.

Je me souviens du jour de mes premières règles, à 14 ans. C’était un soir, à la maison, ma mère était devant la télé (L’Opération Corned-Beef). Je suis allée la voir, elle m’a emmenée dans notre petite salle de bains, a ouvert la porte du placard et m’a montré les protections, en m’expliquant comment les utiliser. Dans mon souvenir, elle était émue et fière de moi. Aujourd’hui, je me demande comment elle-même l’avait annoncé à sa propre mère, une femme soucieuse des conventions, que j’imagine distante. Peut-être avait-elle plutôt demandé conseil à l’une de ses trois sœurs aînées. Ma mère n’est plus là pour me répondre aujourd’hui, mais cela ne fait rien : ce qu’elle devait me transmettre, elle l’a fait. J’ai hâte de le vivre à mon tour avec mes filles.

Ecrivez-moi vos réflexions, vos questions à parents@lemonde.fr. Je réponds toujours. A la semaine prochaine !



BLOC-NOTES


Trois figures maternelles croisées cette semaine :

1. Je suis en train de lire Eloge des mères imparfaites, un essai très réjouissant de Romina Rinaldi (2019, Sciences humaines). La docteure en psychologie est partie de sa propre expérience de la grossesse et de la maternité pour interroger les avalanches d’injonctions qui nous tombent dessus, et décortiquer les incohérences et malhonnêtetés de ces certitudes assénées.

2. J’ai revu Nobody Knows, d’Hirokazu Kore-Eda (2004), ce film japonais sur une fratrie de quatre enfants livrés à eux-mêmes dans l’appartement où leur mère les a abandonnés. A l’époque de sa sortie, je n’avais pas d’enfant, et ça m’avait déjà bouleversée. Mais alors là… Disponible gratuitement sur France.tv ces jours-ci.

3. J’ai vu le sociologue Didier Eribon parler de sa mère morte en Ehpad dans « La Grande Librairie », sur France 5. C’est l’objet de son dernier livre, Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple (Flammarion, 336 pages, 21 euros).



ET CHEZ VOUS ?

« J’angoisse pour l’avenir de ma fille porteuse de handicap »

Jérôme Marminat, Vanves, père de deux enfants de 17 et 13 ans : « Qu’en est-il de la fin du “job de parent” lorsque l’on a un enfant porteur de handicap ? Parent de deux magnifiques chérubins, dont une Sarah, notre martienne locale, j’angoisse souvent à l’idée qu’un jour elle devra être autonome.

Je crois que ce qui différencie des parents d’enfants dits normaux et nous, c’est que notre job, qu’aucune école de management n’apprend, ne s’arrêtera jamais (comme pour tous les parents, me direz-vous… oui mais avec ce petit plus d’une autonomie très complexe et compliquée à construire, entre école inclusive qui n’a d’inclusif que le nom, institutions publiques manquant de tout et parents perdus), dans un monde où le handicap est encore mal reconnu.

La peur m’envahit parfois, et j’ai même un moment imaginé faire un troisième enfant pour subvenir aux besoins futurs de notre fille…

Je les aime, nous les aimons, mais je voulais juste apporter mon petit témoignage de parent d’enfants qui, par leur différence, vous changent une vie, “explosent” votre façon d’appréhender le monde et les personnes qui vous entourent. »

Ecrivez-nous : parents@lemonde.fr




SILENCE, ON LIT

STEPHANIE KEITH / Getty Images via AFP

Elisabeth Roudinesco : « En voulant fabriquer des enfants parfaits, on risque de fabriquer de la folie »

Article réservé aux abonnés

L’historienne estime, dans une tribune au « Monde », que la bataille entre Isabelle Filliozat, apôtre de la bienveillance, et Caroline Goldman, adepte de la fermeté, témoigne d’une incapacité à comprendre qu’on élève moins sa progéniture avec des protocoles prétendument « scientifiques » qu’avec sa propre histoire.

Lire l’article Lire l'article
Cinq musées atypiques à visiter avec les enfants à Paris et alentour

Découvrir l’aventure du train, descendre dans les égouts parisiens, assister à un concert de taupes avec son animal de compagnie… De quoi s’offrir une échappée culturelle en famille hors des sentiers battus.

Lire l’article Lire l’article
En Espagne, la maternité à 68 ans d’une star de la télévision relance le débat sur la gestation pour autrui

Ana Obregon a eu recours à une mère porteuse à Miami, en Floride, une pratique illégale en Espagne. Le bébé a été conçu avec les spermatozoïdes congelés de son fils décédé.

Lire l’article Lire l’article

AU BONHEUR DES MÔMES

Cinq livres avec des héroïnes pour faire découvrir des figures féminines aux petits enfants

Lire l’article Lire l’article



VIE DE PARENTS

Grand Corps Malade : « Ce qui me fait peur pour mes enfants, c’est le climat »

« Vie de parents ». Dans cette rubrique, une personnalité évoque les joies et les épreuves de son quotidien avec des enfants. L’auteur-compositeur-interprète, qui signe un premier livre jeunesse dédicacé à ses deux garçons, organise ses tournées en fonction d’eux.

Article réservé aux abonnés

Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade. YANN ORHAN/SLO SLO

« On était des enfants quand on n’en avait pas. » Cette phrase, Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, 45 ans, l’a inscrite à la fin du livre jeunesse illustré qu’il vient de publier aux Arènes (Définitivement. Tu peux déjà, 60 pages, 18 euros). Deux chansons mises en images, deux chansons écrites pour ses fils. Dans la première – Définitivement – il s’adresse à l’aîné, trois mois avant sa naissance, en 2010 : « Je t’enseignerai la prudence, tu m’apprendras l’incertitude. » Il le prévient aussi : « Je fais mal la bouffe et je pourrai pas jouer au ballon. Mais je trouverai d’autres trucs à faire pour que tu sois fier de ton daron. » Pour son second fils, né en 2013, il a écrit Tu peux déjà, peu avant ses 3 ans, chanson dans laquelle il raconte l’émerveillement de découvrir ce que les enfants savent déjà mieux faire que leurs parents : « Tu peux déjà te moquer de moi et te vanter d’être le premier à m’avoir vraiment fait chanter. »

Lire la suite Lire la suite