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Édition du mercredi 5 avril 2023
Parents, enfants, liens familiaux, questions et solutions : chaque mercredi, retrouvez nos articles et conseils autour de la parentalité.

Papa, c’est quoi cette bouteille de lait ?

Vous vous souvenez certainement de cette pub Lactel : « Papa, c’est quoi cette bouteille de lait ? Papa, c’est quoi cette bouteille de laaaiiit ? ? Papa, comment on fait les bébés ? » Le père levait alors des yeux affolés de son journal et s’empressait d’expliquer à son fils comment fonctionnait la nouvelle bouteille de chez Lactel (« Eh bien… »).

Pourtant, comme il était facile de répondre à cette question en 1990 ! L’autre jour, mes enfants (8, 5 et 3 ans) m’ont demandé avec qui j’étais au téléphone alors que je leur préparais des pâtes aux brocolis (les joies de la fragmentation du travail). Je leur ai répondu que je parlais à un docteur, Michaël Grynberg, dont le métier est d’aider les gens qui ne peuvent pas avoir d’enfant à en avoir. « Ah bon, mais comment ? »

J’ai levé les yeux de ma préparation comme le père dans la pub, et j’ai dit : « Eh bien, c’est très simple. On va chercher des graines de papa et de maman, on les congèle, parfois on les fait se rencontrer dans une éprouvette, on les aide à grandir, et on les met dans le ventre de la maman. Parfois, on peut les garder au congélateur pendant très très longtemps. » Mes enfants ont jeté un regard un peu inquiet à la porte du congélateur, puis ils sont partis faire une pyramide humaine. Business as usual.

Tant mieux si cela leur semble banal au possible. La vérité, c’est que moi, la médecine de la reproduction me fascine. Je l’avais découverte pour une enquête sur l’infertilité croissante des couples. J’ai lu cette semaine les Dix histoires extraordinaires de naissance que le professeur Michaël Grynberg, chef du service reproduction et préservation de la fertilité à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine) et à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis), vient de publier (Flammarion, 192 pages, 20 euros), et croyez-moi, le titre n’est pas exagéré.

Voici ce que j’aurais pu raconter encore à mes enfants, s’ils s’étaient montrés intéressés : « Par exemple, il y a cette jeune femme qui n’avait pas d’amoureux. Elle est allée voir le docteur pour congeler ses graines le temps d’en trouver un ; c’était interdit à l’époque dans ces conditions, mais Michaël Grynberg avait trouvé un moyen de le faire. Elle était revenue, un peu moins jeune, toujours sans amoureux. Elle lui avait dit qu’elle aimerait beaucoup avoir un bébé et que le temps pressait, mais qu’elle voulait qu’il y ait un papa avec elle. Alors, elle a demandé à son meilleur ami, qui avait déjà un amoureux, s’il accepterait d’être le papa. Il a dit oui. Mais ce meilleur ami était séropositif, ce qui veut dire qu’il avait une maladie qui présentait des risques pour le bébé. Alors, en discutant tous ensemble, ils ont finalement décidé que ce serait l’amoureux du meilleur ami qui donnerait une graine. Le bébé est né, une petite fille. Les deux papas et la maman ont tous emménagé ensemble dans un appartement. Pour les 5 ans de leur fille, ils lui ont écrit un petit livre qui raconte l’histoire de sa naissance. »

Je pourrais encore vous raconter l’histoire proprement incroyable de cette jeune femme dans le coma à la suite d’un accident de voiture, et dont l’hôpital s’est aperçu, au bout de deux mois et demi, qu’elle était enceinte de trois mois. Ou bien celle de cette petite fille atteinte d’une leucémie, qui devait, pour espérer survivre, subir une greffe et une chimiothérapie très agressive à 10 ans. Ses parents ont fait le choix de congeler l’un de ses deux ovaires pour préserver ses chances d’avoir un jour un enfant. Quatorze ans plus tard, la jeune femme, guérie, est revenue voir le professeur Grynberg, avec son compagnon, pour avoir un enfant.

Chacun des récits sélectionnés pose des tas de questions, éthiques, déontologiques, humaines, parfois dérangeantes, que Michaël Grynberg n’élude pas. Quelles frontières poser à ces désirs ardents d’avoir un enfant ? Il explique comment il a réfléchi, qui il a consulté pour prendre ses décisions. Au téléphone, je lui demande comment on endosse un rôle pareil, avec ce que cela comporte de démiurgique. « La détresse des gens qui ne peuvent pas avoir d’enfant est l’une des pires qui soit, me répond-il. Ils nous supplient de faire tout et n’importe quoi. Des gens parfaitement rationnels en perdent toute rationalité. Evidemment, on rentre si longtemps dans leur intimité que l’on est avec eux dans ce parcours. Quand ils m’annoncent un résultat positif, c’est toujours un moment incroyable. A contrario, on prend les claques avec eux. Il faut se relever. Et surtout, ne pas être jusqu’au boutiste. Pour moi qui suis très compétitif, c’est le plus dur. Etre capable de se dire : “Je n’y arriverai jamais.” »

Or, comme me le rappelle le gynécologue obstétricien, il n’est pas rare que ça échoue : le taux d’accouchement des PMA est de 30 % (avec de grandes disparités, par exemple selon l’âge des femmes). « La médecine de la reproduction rate plus souvent qu’elle ne réussit », dit-il. Pour autant, il n’a jamais douté de la voie qu’il avait choisie. Michaël Grynberg, 49 ans, qui est lui-même père de cinq filles, raconte qu’il a toujours aimé les enfants, même adolescent, qu’il a « toujours eu conscience du regard et de l’amour qu’ils apportent dans une vie, et de la merveille que constitue le fait d’avoir un enfant ». Quand il m’a dit ça, je me suis souvenue d’un autre grand spécialiste de la PMA, François Olivennes, me racontant il y a quelques années sa fascination pour les bébés, quand lui-même n’était qu’un enfant. Je ne sais pas si c’est un trait commun à tous ceux qui s’orientent vers ce métier.

Michaël Grynberg, qui a toujours voulu être médecin, dit qu’il a eu une révélation en cours de sciences naturelles, tandis que sa professeure expliquait la reproduction humaine. « Cela m’a semblé si incroyable qu’une mécanique aussi précise, aussi complexe et minutée, puisse être à l’origine de quelque chose d’aussi grand que la vie. » J’ai compris alors de quel vertige métaphysique il parlait. J’ai vu l’immensité de la question qui se pose derrière une seule formule : comment on fait les bébés ? Quelles que soient les avancées de la science, ce mystère-là ne sera jamais levé.

Ecrivez-moi vos réflexions, vos questions sur parents@lemonde.fr. Je réponds toujours. A la semaine prochaine !



BLOC-NOTES


Chose promise, chose due : pour Pâques, la recette de mon brownie aux deux chocolats (qui n’est en fait pas du tout de moi mais de Nigella Lawson)

Ingrédients (pour un gros brownie familial) :

- 370 g de beurre à cristaux de sel mou

- 350 g de chocolat noir pâtissier

- 6 gros œufs

- 1 c. à soupe d’extrait de vanille

- 200 g de sucre

- 170 g de farine

- 120 g de chocolat blanc haché (que vous pouvez mélanger ou remplacer par des noix, des cacahuètes, des noisettes, de la noix de coco râpée…)

Faites fondre le chocolat avec le beurre dans une casserole à feu doux (ou au micro-ondes). Battez les œufs avec le sucre et l’extrait de vanille jusqu’à ce que le mélange blanchisse. Ajoutez la farine, puis les œufs.

Lorsque le chocolat est fondu, laissez-le légèrement refroidir avant de l’incorporer, et mélangez. Ajoutez le chocolat blanc et les noix. Versez le tout dans le moule et faites cuire entre 15 et 20 minutes à 180 degrés.

La surface doit être sèche et de couleur plus pâle tandis que l’intérieur doit être encore dense, brun et onctueux, un peu coulant par endroits.

PS : si vous avez un best-seller à la maison, je veux bien que vous le partagiez avec moi !



ET CHEZ VOUS ?

« Ma fille ne veut pas rentrer seule de l’école »

Claire, Haute-Savoie, une fille de 8 ans : « Ce qui fait mon actualité de parent, ces jours-ci, c’est le trajet école-maison tout seul. Je l’ai proposé, à demi pour rire, à ma fille de 8 ans qui m’expliquait ne pas toujours aimer rester au périscolaire. Elle m’a répondu tout net que non, car elle avait “peur pour sa peau”. Je précise qu’il s’agit d’un trajet d’environ 400 mètres, qu’on fait à pied tous les jours, dans un village périurbain.

Cela m’a amenée à m’interroger sur l’âge et la maturité nécessaires pour envisager ce trajet (la capacité à être attentif à son environnement immédiat et ses éventuels dangers, sans doute pas avant 10-11 ans ?), le regard social sur les enfants non accompagnés, qui me semble avoir beaucoup changé depuis les années 1980, mais aussi la différence avec des citadins (sont-ils débrouillards plus jeunes ?), et enfin les conditions effectives de sécurité des trottoirs et passages piétons. »

Ecrivez-nous : parents@lemonde.fr




SILENCE, ON LIT

MIEKE DALLE/CARTE BLANCHE/PHOTONONSTOP

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