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Édition du mardi 9 avril 2024
Chaleur humaine
Comment faire face au défi climatique : retrouvez, le mardi à midi, la sélection d’articles de la rédaction du Monde.

La voiture électrique est-elle toujours meilleure pour le climat ?

L’actu de « Chaleur humaine »

Nouvel épisode du podcast. L’épisode de cette semaine est un peu particulier : l’économiste Eloi Laurent vient discuter du concept de « transition heureuse » et propose de penser la transition comme un moment de coopération plutôt que comme un mauvais moment à passer. Je suis curieux d’avoir vos retours sur cette idée, à écouter ici ou ci-dessous.

Petite pause. La semaine prochaine, pas de nouvel épisode de podcast, ni d’édition de l’infolettre, histoire de ralentir un peu et de tester quelques recettes. Comme celles-ci choisies par mes collègues du Goût du Monde.

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La question de la semaine

« Bonjour. Je vous ai entendu répondre avec beaucoup de certitudes dans l’émission “Quotidien” que la voiture électrique était bonne pour le climat. Mais si l’électricité est produite par du charbon, est-ce que ce n’est pas pire ? Pourquoi personne ne parle de ce problème ? » Question posée par Jean-Jacques par mail à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr

Ma réponse : Merci de cette question, à laquelle il est (en fait) assez facile de répondre : oui, dans la quasi-totalité des pays du monde, la voiture électrique a un bilan carbone bien meilleur que celui de sa concurrente thermique. Pour autant, elle a aussi des défauts – et ne suffit évidemment pas à réduire l’impact climatique des transports. (Nous en avions parlé longuement dans cet épisode de podcast avec Emmanuel Hache.)

1/ Pourquoi la voiture électrique émet moins

Il importe d’abord de rappeler qu’en France, elle représente 15 % de nos émissions de gaz à effet de serre : c’est colossal, et ça ne diminue pas franchement. Parmi le panel de solutions pour décarboner les transports, l’électrique a certes des défauts mais est aussi une partie de la solution.

Du côté des problèmes : construire un véhicule électrique émet plus de carbone que construire une voiture à essence, notamment à cause de la fabrication de la batterie. Mais ensuite, le match est très favorable à l’électrique, puisqu’on n’émet pas de gaz à effet de serre en roulant. La différence à la fabrication est largement compensée après deux ou trois ans d’utilisation en moyenne. Tout ceci est bien expliqué sur cette page du cabinet Carbone 4. Comme le dit le chercheur Aurélien Bigo (dans cet autre épisode de « Chaleur humaine ») : « La voiture électrique n’est pas une technologie parfaite, elle a des impacts environnementaux et une forte consommation de métaux. Mais du point de vue du climat, c’est deux à cinq fois moins d’émissions dès aujourd’hui en France ! »

Cet avantage est bien évidemment plus grand dans les pays qui ont une électricité produite à partir d’énergies renouvelables ou de centrales nucléaires, comme la France ou la Suède. Et c’est moins le cas dans des pays où la production électrique est faite à base de charbon, comme la Pologne ou l’Inde. Mais même dans ces pays, la voiture électrique est meilleure en termes d’émissions, montre le chercheur Cédric Philibert dans son livre récent Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat (Les Petits Matins). Pourquoi ? Parce que l’électrique est plus efficace énergétiquement, et consomme donc moins d’énergie qu’un véhicule thermique.

D’ailleurs, beaucoup de pays sont en train de décarboner leur système électrique – c’est le cas de l’Allemagne par exemple. Or une voiture ne roule pas pendant un an, mais pendant quinze ou vingt ans, et donc ce calcul va encore s’améliorer dans les prochaines années.

D’une manière générale, ce livre très utile démonte beaucoup d’idées reçues sur le sujet – et fourmille de ressources intéressantes. Je ne peux pas mettre de graphique dans cette infolettre mais il y en a un très parlant sur cette page de CarbonBrief qui compare les émissions dans différents pays.

2/ Mais la voiture électrique ne résout pas tous les problèmes

Pour autant, ce n’est pas parce que la voiture électrique émet moins que la voiture thermique qu’elle ne suffit pas à elle seule à décarboner. Pour citer de nouveau Aurélien Bigo (dans un épisode précédent de « Chaleur humaine ») : « La voiture électrique est la meilleure – ou la moins mauvaise – des technologies qu’on peut avoir actuellement pour nos modes de transport d’un point de vue climatique. »

On pourrait réduire sérieusement l’impact carbone en fabriquant des voitures plus légères, avec une batterie moins lourde. Ce qui aurait au passage deux autres effets positifs : faire baisser les prix (on en a parlé dans cette édition de l’infolettre) et les besoins en extraction de métaux (voir cet article de mes collègues sur le sujet).

Et surtout, pour diminuer les émissions du transport, il faut utiliser d’autres leviers : le covoiturage, le vélo, la marche, le développement des transports publics. Remplacer toutes les voitures thermiques par des véhicules électriques ne sera pas suffisant pour atteindre nos objectifs.

Un peu de « Chaleur humaine » en plus

Sur mon écran. Cette très bonne analyse de mon collègue Matthieu Goar, qui explique bien comment les reculs du gouvernement sur le climat se font sous pression (réelle ou supposée) de l’extrême droite et des lobbys industriels. C’est à lire ici.

Sur ma table de nuit (1). J’ai fini cette semaine Dans la lumière, un roman de Barbara Kingsolver paru en 2012, qui aborde d’une manière très fine à la fois la question climatique, celle des inégalités et celle de la science dans l’espace public – tout cela grâce à des millions de papillons. (Lire la critique du Monde à l’époque)

Sur ma table de nuit (2). La bande dessinée Béton. Enquête en sables mouvants, d’Alia Bengana, Claude Baechtold et Antoine Maréchal, qui vient de paraître aux Presses de la Cité, est une plongée dans les impacts environnementaux et économiques du béton – et propose des pistes pour construire autrement.



LE PODCAST DE LA SEMAINE

Climat : comment rendre la transition heureuse ?

Pour l’économiste Eloi Laurent, invité du podcast « Chaleur humaine », la transition climatique n’aura pas lieu si elle n’est faite que de privations.

Le podcast Chaleur humaine

Climat : comment rendre la transition heureuse ?

9 avril 2024

Écouter l'épisode
 

La transition climatique, est-ce forcément du sang, de la sueur et des larmes ? Pourquoi la sobriété paraît-elle, pour une partie de la population, un horizon plus triste que joyeux ? Peut-on rendre la transition heureuse, et comment ?

Eloi Laurent est économiste, enseignant-chercheur à l’OFCE à Sciences Po, à Stanford et à l’Ecole des Ponts ParisTech. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la santé, le bien-être et la transition écologique. Le dernier s’intitule Coopérer et se faire confiance, aux éditions Rue de l’Echiquier.

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L'ARTICLE DE LA SEMAINE

JOHN LOCHER / AP Photo

Dérèglement climatique ou météo : l’humain est-il responsable des événements extrêmes ?

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Depuis 2003 et particulièrement ces dernières années, les climatologues cherchent à déterminer la part de responsabilité humaine dans les événements climatiques extrêmes. Matthieu Goar, spécialiste environnement au « Monde », explique dans ce podcast le fonctionnement de ces études d’attribution.

Comment savoir avec certitude si un ouragan ou une sécheresse sont dus au changement climatique ? Depuis 2003, une discipline tente de répondre à cette question : la science d’attribution.

Grâce à des modèles informatiques complexes et précis, les climatologues cherchent à quantifier la part de la responsabilité de l’humain dans les événements climatiques extrêmes. Et le résultat est de plus en plus précis : on sait ainsi que le changement climatique a rendu « trente fois plus probables » les canicules meurtrières en Inde et Pakistan en 2022 ou la sécheresse agricole subie par l’Amazonie en 2023.

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A LIRE CETTE SEMAINE

Le Haut Conseil pour le climat alerte sur un « risque de recul de l’ambition » de la France

Dans une lettre adressée au premier ministre, Gabriel Attal, l’instance indépendante s’inquiète des « dérives de calendrier » dans la publication de textes de programmation ainsi que les reculs opérés sur le front de l’environnement pour tenter d’éteindre la crise agricole.

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Peu d’immeubles se lancent dans de tels chantiers. En cause, la difficulté à se mettre d’accord entre copropriétaires, surtout quand ils n’ont pas tous les moyens de les financer.

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Les experts mandatés par le gouvernement en mai 2023 ont rendu leurs conclusions. Elles visent notamment à éviter le retrait des assureurs des zones les plus exposées et à favoriser la prévention. Le gouvernement se donne cinq mois pour trancher.

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Frédéric Mathieu, le témoin pointilleux d’un monde en train de fondre

Connu pour son travail de recensement des derniers poilus, Frédéric Mathieu se consacre désormais à la mémoire des petits glaciers des Alpes. Il vient de lancer la revue « Reliques glaciaires », dans laquelle il documente l’évolution de ces derniers, avec parfois quelques surprises.

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L'IMAGE DE LA SEMAINE

Dans la province d’Amazonas (Miriti-Parana), en Colombie, le 18 décembre 2021. Fabio Cuttica / Reuters

Il est possible, pour les gouvernements, d’agir pour mettre un terme à la déforestation. A l’échelle mondiale, cette volonté politique n’est toutefois pas encore assez largement partagée pour espérer atteindre l’objectif adopté lors de la conférence pour le climat (COP26) de Glasgow (Royaume-Uni) de mettre un terme à ce phénomène d’ici à 2030. Telle est la conclusion éclatante du rapport annuel sur la perte de couvert forestier réalisé par l’université du Maryland (Etats-Unis) et le World Resources Institute (WRI).

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