Si quelqu’un vous a fait suivre cette infolettre, vous pouvez cliquer ici pour la recevoir gratuitement tous les mardis. « Bonjour, j’ai découvert récemment votre podcast et j’aimerais vous demander : à quel point avons-nous avancé collectivement sur les sujets que vous mettez en lumière, les politiques publiques, les efforts collectifs, la justice climato-sociale ? Sommes-nous sur la bonne trajectoire ou pas encore ? » Question envoyée par Didier à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr. Ma réponse : Non, la France n’est pas sur la bonne trajectoire, comme l’a rappelé à la fin de juin le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC). Pour être dans les clous par rapport à nos engagements climatiques, les émissions de gaz à effet de serre devraient baisser deux fois plus vite qu’au rythme actuel. (Vous pouvez lire ici un article sur ce sujet écrit par ma collègue Audrey Garric). 1 - A quel point la France est-elle en retard sur ses engagements ? La France a inscrit dans la loi en 2019 le fait d’atteindre la « neutralité carbone » en 2050. Par ailleurs, l’Union européenne, dont la France fait partie, s’est fixée pour objectif de diminuer de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. La bonne nouvelle, c’est que les émissions de la France décroissent globalement depuis 1990. La mauvaise nouvelle, c’est que le rythme de cette baisse est trop faible pour atteindre nos objectifs – et donc espérer conserver des conditions habitables sur cette planète. En 2022, les émissions de gaz à effet de serre de la France ont baissé de 2,7 % par rapport à 2021. Cette baisse devrait doubler chaque année d’ici à 2030, prévient le rapport du Haut Conseil. Ce rapport note que la situation se complique sur un point : les forêts françaises, victimes du réchauffement climatique, absorbent moins de carbone qu’auparavant. Ce qui fait que nos efforts doivent être encore plus importants, puisque nous pouvons moins nous reposer sur les puits de carbone existants. (C’est très bien expliqué dans cet article de Perrine Mouterde) Une note d’espoir (relative) : l’année 2023 s’annonce un peu meilleure, avec une baisse des émissions de 4,2 % sur le premier trimestre - ce qui est quasiment le rythme nécessaire pour atteindre nos objectifs. Bon, il faut admettre que cette baisse est surtout liée à un hiver clément (on a moins mis le chauffage) et à une hausse des prix de l’énergie (les industries ont limité leur activité), donc ce n’est pas vraiment gagné. 2 - Où faut-il faire porter les efforts ? Les experts du HCC font une liste très claire des domaines dans lesquels nous n’allons pas dans la bonne direction. « Aucun n’est un bon élève », précise Corinne Le Quéré, la présidente du Haut Conseil. D’abord les transports, plus gros secteur émetteur, qui connaît une augmentation préoccupante : + 2, 3 % d’émissions en un an. En cause, le poids des véhicules, l’électrification, qui ne va pas assez vite, et un manque de politiques publiques cohérentes pour diminuer la place de la voiture individuelle. (Nous en avions parlé ici avec Aurélien Bigo dans un épisode du podcast « Chaleur humaine »). Dans l’agriculture, les émissions baissent, mais cela est dû principalement à des raisons économiques plutôt qu’à des choix structurels : l’élevage est mal en point, les engrais ont coûté plus cher cette année. La diminution doit s’accélérer massivement, souligne le Haut Conseil pour le climat, qui s’inquiète du manque de politique cohérente dans ce domaine. Dans l’industrie et le bâtiment, les émissions sont en baisse, ce qui est une bonne nouvelle – même si une part est liée à un hiver doux et à des prix de l’énergie élevés. Mais, là encore, les efforts doivent être renforcés, avec notamment une véritable politique de rénovation des logements, aujourd’hui réalisée « à un rythme très insuffisant », note le HCC. Un autre domaine est en augmentation : l’énergie, puisque la France a dû faire fonctionner plus que d’habitude les centrales à gaz et au charbon en raison des défauts constatés sur plusieurs réacteurs nucléaires. Le rapport du Haut Conseil appelle surtout à accélérer le développement des énergies renouvelables productrices d’électricité, comme l’éolien et le solaire. Au-delà des efforts par secteur, le Haut Conseil appelle à transformer la politique économique du pays pour aligner nos choix budgétaires, fiscaux, industriels avec nos objectifs climatiques. En d’autres termes : cesser de soutenir les énergies fossiles et dégager des moyens pour la transition. Le rapport évoque autour de 30 milliards d’investissements supplémentaires par an, comme le soulignait déjà le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz paru en mai. Un peu de Chaleur humaine en plus Sur nos écrans. La série Adaptation du Monde se poursuit jusqu’à la mi-juillet, et si vous avez raté le dernier épisode sur l’outre-mer, je vous le recommande vivement. Des morceaux de France sont déjà largement touchés par le réchauffement… et les réponses sont rarement à la hauteur. Avec notamment un excellent reportage de ma collègue Nathalie Guibert en Polynésie, où l’archipel de Tuamotu est menacé d’une disparition probable. Tous les articles Adaptation sont à retrouver ici. Sur mon clavier. Après avoir observé l’attitude des géants du pétrole au cours des dernières semaines et discuté avec plusieurs acteurs du secteur, j’ai écrit cette analyse sur le changement de cap des compagnies pétrolières, qui préfèrent oublier leurs engagements climatiques, tant le baril est aujourd’hui rentable. Dans nos oreilles. Mes camarades du service vidéo du Monde continuent leur mission de publier sur YouTube les épisodes de « Chaleur humaine » en commençant par le début, la liste de lecture se remplit petit à petit, elle est ici. Dans mes signets. Cet outil du Financial Times qui permet de connaître les objectifs climatiques de chaque pays et où ils en sont ; très instructif et utile pour nourrir des discussions sur le sujet. |