« Bonjour, j’ai beaucoup aimé l’épisode du podcast sur l’adaptation au changement climatique, mais je me demande si quelqu’un a déjà essayé de chiffrer ce qu’il faudrait pour que la France s’adapte, avec tous les changements nécessaires pour les logements, les villes, l’agriculture, etc. Je n’arrive pas à me rendre compte si on parle de sommes très importantes ou d’une série de petits changements. Merci ! » Question posée par Maria à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr Ma réponse : C’est un chiffrage difficile ! L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a dressé une liste des premières pistes dans une note de 2022. Selon ce travail, il faudrait engager dès aujourd’hui au moins 2,3 milliards d’euros d’investissements publics par an. Mais, ce chiffrage est minimal et dépendra de décisions politiques… et du temps pris pour agir. (Ma collègue Audrey Garric a bien expliqué tout ceci dans cet article.) Avant de détailler ma réponse, je dois préciser que, justement, la rédaction du Monde publie ces jours-ci une série d’enquêtes sur l’adaptation au changement climatique. Tous les détails sur le projet sont ici. Et le premier volet, consacré à la forêt, est à découvrir là. Je vais vous en reparler souvent dans les prochaines semaines, puisque nous allons publier des dossiers sur le sujet jusqu’à la mi-juillet. 1/Où faut-il mettre de l’argent ? La note d’I4CE dresse une liste d’actions à mener pour poser des premières bases, qui se déclinent en trois grandes catégories. D’abord, engager des moyens humains et de l’ingénierie en particulier pour accompagner les territoires vulnérables : 250 millions d’euros par an. C’est l’un des points qui remonte fortement des enquêtes du Monde sur l’adaptation, dans lesquels beaucoup d’élus locaux soulignent le besoin d’aide et de moyens sur ces sujets. Ensuite, augmenter significativement ce qui permet déjà l’adaptation : investir pour économiser la ressource en eau, renforcer la sécurité civile face aux catastrophes, consolider le système de santé : 540 millions d’euros par an. Enfin, dédier des enveloppes aux actions dites « sans regrets » – des investissements dont on sait que les bénéfices seront importants de toute façon : investir dans les réseaux et les infrastructures pour les rendre plus résistants, financer des projets de transformation économique (pour des stations de ski, des villes du littoral, etc.), prendre en compte plus fortement le climat dans la construction neuve : 1,5 milliard d’euros par an. Pour être complet, il faudrait être capable de calculer le coût de l’inaction : combien cela nous coûterait-il collectivement si nous ne menons pas de politiques d’adaptation ? Un rapport récent de France Stratégie a tenté d’apporter des réponses, sans parvenir à une réponse précise. Mais il note que plus on attend pour agir, plus les coûts de l’action climatique sont élevés. 2/Pourquoi sait-on déjà que ça ne suffira pas ? La difficulté de cette liste est qu’elle ne prend pas en compte toute une partie des efforts que l’on ne sait pas bien comptabiliser. Un exemple ? L’enquête du Monde sur l’adaptation des bâtiments scolaires (qui va paraître dans quelques jours, patience, patience !) montre par exemple que personne ne sait combien coûtera le fait de rendre conforme au climat futur les écoles, les collèges et les lycées. Surtout, cela dépendra de notre capacité à faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible. Autrement dit : plus on brûle des énergies fossiles, plus l’adaptation coûtera cher. Le travail d’I4CE explique bien qu’il va falloir que les politiques publiques – et on pourrait dire de même de nombreuses entreprises – se dotent d’un « réflexe adaptation » pour intégrer le risque climatique dans leurs décisions d’investissement. L’institut estime que 50 milliards d’euros d’investissement public par an sont réalisés sans tenir compte des risques climatiques alors que l’impact pourra être majeur : la rénovation des bâtiments, la modernisation des réseaux de transport ou d’électricité, la construction de logements sociaux. Comme l’expliquait bien la géographe Magali Reghezza-Zitt dans un épisode de Chaleur humaine : « Plus le changement climatique est important, plus les options qui nous restent pour nous adapter et la faisabilité de ces solutions d’adaptation seront limitées. Autrement dit, plus on tarde à agir, moins on sera libre de choisir. » Dans le cadre de notre série sur l’adaptation, vous pouvez venir assister dans les locaux du Monde à un épisode de Chaleur humaine en public, le 4 juillet, sur le thème « La France est-elle prête ? », avec la géographe Magali Reghezza et le Conseiller de Paris Alexandre Florentin Tous les renseignements pour s’inscrire ici. Un peu de Chaleur humaine en plus Sur la liste de lecture. Voici donc la première brique de notre série sur l’adaptation au changement climatique. S’ils vous ont échappé, je vous conseille cette infographie sur les bénéfices environnementaux apportés par les arbres et cet article étonnant sur la pénurie de graines d’arbres. Evidemment l’épisode du podcast Chaleur humaine de cette semaine avec Laurent Tillon s’inscrit dans ce cadre. Sur vos tablettes. Le Centre national d’éducation à distance (CNED) a lancé une série de cours gratuits sur le changement climatique, réalisés avec de très nombreux scientifiques et experts. Cinq cours d’une heure et quinze minutes pour être plus informés sur le sujet avant d’aller sur les plages. Sur le calendrier de la rentrée. J’ai pu visiter ces jours-ci l’exposition Urgence climatique à la Cité des sciences à La Villette, excellente idée à caler avec des scolaires à la rentrée si vous êtes dans le monde enseignant ! Toutes les infos sont ici, et l’expo est là pour les 10 prochaines années (en espérant que les chiffres changent un peu au fur et à mesure !) Sur ma table de nuit. L’ouvrage collectif de mes collègues de L’Obs Les Penseurs de l’écologie, qui vient de paraître aux éditions Les liens qui libèrent. Un bouquin passionnant qui remonte le temps avec Jean-Jacques Rousseau, André Gorz, Rachel Carson ou Françoise d’Eaubonne. |