Bonjour ! Je suis très heureux de vous retrouver pour la reprise de la newsletter « Chaleur humaine ». La saison 2 du podcast est lancée aujourd’hui (vous pouvez le trouver ci-dessous) et vous pouvez également m’envoyer vos questions sur les enjeux climatiques à l’adresse : chaleurhumaine@lemonde.fr. Je ne sais pas comment on appellera cette période dans les livres d’histoire, mais la crise énergétique que nous vivons est quasiment sans précédent : le pétrole, le gaz et l’électricité n’ont jamais été aussi chers sur les marchés de l’énergie, et ils continueront probablement à l’être. Est-ce que c’est une bonne nouvelle pour la transition climatique ? Pas sûr. Voilà pourquoi. 1/Le pétrole va rester à un prix élevé. Le monde n’a pas diminué sa soif de pétrole : on consomme 100 millions de barils de pétrole par jour, soit la même chose qu’avant la pandémie de Covid-19. Mais entre-temps, la situation a changé, et ce n’est pas exactement un long fleuve tranquille : depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, les prix du baril naviguent entre 80 et 140 dollars (un niveau rarement atteint). A 80 dollars seulement, on est au même niveau qu’à l’époque du début du mouvement des gilets jaunes en 2018, qui avait démarré contre la hausse du prix des carburants. Pourquoi en est-on là ? Depuis la pandémie, les groupes pétroliers et gaziers n’ont pas beaucoup investi dans de nouveaux champs pétroliers, pour compenser la diminution de la production. Et les sanctions contre la Russie vont faire diminuer progressivement la capacité de Moscou à extraire son pétrole, or la Russie c’est 8 % du marché mondial. La demande ne baisse pas, l’offre diminue, les prix montent. 2/ Le gaz explose comme jamais. La Russie était le premier fournisseur de gaz de l’Union européenne avant la guerre en Ukraine, le deuxième de la France. Au fur et à mesure des tensions avec Moscou, l’Europe se jette sur tout le gaz qu’elle peut importer d’ailleurs - des Etats-Unis, du Qatar, d’Algérie. Mais nous ne sommes pas les seuls à vouloir acheter du gaz liquéfié transporté par bateaux : Chinois, Japonais et Coréens sont aussi de gros clients. Résultat, les prix du gaz deviennent fous. Début septembre, ils étaient neuf fois plus élevés que les prix en 2021 à la même époque. Peu d’analystes estiment que la guerre en Ukraine pourrait avoir une fin rapide et que les relations commerciales entre la Russie et l’UE pourraient reprendre rapidement. Le prix du gaz va donc rester élevé pour longtemps. 3/ Pourquoi l’électricité est elle aussi concernée. D’abord, parce que dans toute une partie de l’Europe, l’électricité est produite à partir de gaz, dont le prix augmente fortement. Et si ces centrales produisent plus cher, cela a des conséquences sur les prix du marché de l’électricité dans toute l’Europe, qui sont tirés vers le haut (Vous pouvez lire cet article pour comprendre pourquoi). Mais il y a une autre raison : le parc nucléaire français est dans son plus mauvais état historique, avec de très nombreux réacteurs à l’arrêt pour révision ou maintenance. Dit autrement : produire de l’électricité coûte plus cher et on a moins d’alternatives pour le faire. 4/ Une bonne nouvelle pour le climat ? Cette hausse des prix des énergies fossiles pourrait nous aider à nous libérer de cette dépendance et en sortir est la seule voie pour limiter les effets du changement climatique. Les plans de réduction de consommation d’énergie de court et de long terme peuvent permettre de payer moins cher, de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, tout en nous libérant de l’emprise pétro-gazière russe. Mais il y a un autre risque : que cette hausse des prix incite plutôt à réinvestir massivement dans le pétrole et le gaz, en faisant de nouveaux forages, en finançant de nouvelles infrastructures, qui risquent de nous verrouiller dans le monde fossile pendant les trente prochaines années. VOS QUESTIONS : Système de santé et climat « Bonjour, envisagez-vous de réaliser un épisode futur sur le système de santé et le réchauffement climatique ? Je suis médecin et ce sujet me pose question depuis longtemps. Alors que dans tous les autres secteurs d’activité on parle de transition écologique, la santé semble y échapper pour le moment. Localement il y a bien quelques tentatives de verdir un peu le fonctionnement mais elles semblent très anecdotiques (un peu de tri de papier, incitation à vider sa boîte mail, proposition occasionnelle de repas sans viande, …). Mais il ne semble pas y avoir de réflexion plus profonde. » (Antoine, Nantes) Bonjour Antoine, et merci de votre message. Oui, je réfléchis depuis le début de Chaleur humaine à un épisode sur le système de santé et son impact sur le climat. A ce jour, le travail le plus fourni que je connaisse est le chapitre « décarboner la santé » du Plan de transformation de l’économie française, mené par le Shift project. Les sujets posés concernent effectivement l’alimentation, la performance énergétique des bâtiments, mais aussi des secteurs auxquels je n’avais jamais pensé : le transport des personnes malades et des salariés, les fortes émissions de l’industrie du médicament ou une meilleure gestion des déchets. D’autres pistes intéressantes sont explorées par le médecin Jean-David Zeitoun dans une tribune au Monde, sur la conduite dans le même temps de la transition climatique et de la transition épidémiologique. Si cette infolettre vous a intéressé, n’hésitez pas à la faire suivre, elle est gratuite et paraît tous les mardis. Si vous n’êtes pas inscrit, cliquez ici pour le faire. |